Les différentes études montrent que près de la moitié des patients souffrant d’une maladie chronique, comme la polyarthrite rhumatoïde, ne suivent pas correctement les thérapies qui leur sont prescrites.
Regards croisés sur « l’observance » avec Sonia Tropé, directrice de l’association ANDAR[1] et du Dr Catherine Beauvais, rhumatologue à l’hôpital St-Antoine, Présidente de la section d’Education Thérapeutique de la SFR[2].
Les patients sont-ils informés de l’importance de l’observance ?
Sonia Trope (ST) : Non, le terme même d’observance est très mal connu. Dans la relation médecin-patient, cela est peu abordé. D’ailleurs, les soignants eux-mêmes sont peu sensibilisés à cette notion.
Finalement, la prise de conscience que le patient ne prend pas ses médicaments est récente. Le médecin sait que la maladie est grave, que les médicaments doivent être pris pour le bien du malade mais a du mal à se mettre à la place de ce dernier et à comprendre les causes de l’inobservance.
Dr Catherine Beauvais (CB) : Les prescripteurs mésestiment l’ampleur de la mauvaise observance, surtout dans les pathologies chroniques. Lorsque la maladie n’est pas bien contrôlée, ils n’ont pas le réflexe de penser que le patient puisse ne pas suivre son traitement. De plus, trop souvent, les messages entendus à ce sujet par les patients sont culpabilisants et ils n’osent pas en parler au médecin.
Pourquoi les malades ne respectent-ils pas leur prescription?
S.T. : Les raisons de l’inobservance sont multiples. Une maladie chronique, par définition, se prolonge dans le temps. Il peut donc y avoir des moments de saturation, une réaction face à un effet indésirable, un déni de la maladie, voire une période difficile qui n’est pas forcément liée directement à la maladie. Cela peut être également un traitement inadapté. Je pense à un monsieur qui devait prendre son traitement en pleine journée alors qu’il travaillait sur un chantier.
CB : Il n’y a pas de profil de patients « observants ». Les réactions, les motivations évoluent dans le temps. L’observance n’est donc pas linéaire, ce qui complique la démarche du professionnel de santé.
Quelles sont les réponses à apporter ?
ST : Cela passe avant tout par le dialogue. Il n’y a pas d’argument à donner. Il faut accompagner et écouter le patient. En cas de blocage, une des réponses peut être l’éducation thérapeutique.
Quoi qu’il en soit, culpabiliser le malade en abordant le coût de l’inobservance et parler de sanctions financières est inadapté, car cela est loin de ses préoccupations immédiates, et, surtout, ce n’est pas le sujet !
Il faut au contraire comprendre ce qu’il y a derrière, le déculpabiliser et l’aider à sortir de l’ornière. Il a le droit de ressentir un ras-le-bol. Il ne faut pas hésiter à en parler au médecin qui n’est pas là pour moraliser mais pour trouver la meilleure solution avec lui.
CB : L’observance est un non-dit. L’important est donc de communiquer, d’explorer les croyances des patients vis-à-vis des traitements : ce qu’il en connaît, ce qu’il craint. Si le patient est accompagné, l’observance sera meilleure. Au moment de la prescription initiale, le processus de décision partagée permet au patient d’exprimer d’éventuelles réticences.
Il s’agit d’un processus continu. En demandant simplement comment cela se passe avec les traitements en cours, on libère la parole du patient. Le médecin peut provoquer l’échange, aider à trouver des solutions, mais au final, le patient doit s’approprier les choses pour continuer ses traitements une fois seul devant ses médicaments.
Source : itw téléphonique
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